Que nous cachent les toiles enchantées de Mathilde ? C'est la question que je me pose lorsque j'entre pour la première fois dans l'atelier de l'artiste.
Née en 1993 à Bordeaux, Mathilde est une personne très solaire, qui m'a réservé un accueil particulièrement chaleureux.
Derrière son immense sourire, Mathilde nous confie cacher une grande anxiété qu'elle canalise par le travail. C'est pourquoi elle est toujours en quête de projets, d'idées, de tâches à accomplir : l'art lui permet de s'évader et de s'éloigner de cette anxiété parfois trop présente pour mieux appréhender la réalité. C'est également pourquoi aujourd'hui, elle exerce la profession d'auteur couplée avec celle de peintre.
Deux disciplines assez différentes que Mathilde lie avec toute la subtilité qui l'accompagne.
Depuis son plus jeune âge, l'artiste est désireuse de devenir écrivain pour écrire ses propres histoires et créer des mondes imaginaires. C'est donc tout naturellement qu'elle a étudié la Philosophie et les lettres classiques.
Ses études de philosophie l'ont bouleversée tant elles ont permis à Mathilde de comprendre que l’apparente stabilité des choses était le fruit d’une gigantesque illusion. Lorsqu'elle comprit que le réel, tel qu’il est perçu, était une vue de l’esprit et que c’était l’œil qui sculptait le monde, qui simplifiait les formes, qui ralentissait le rythme pour rendre tout ce qui nous entoure visible et vivable, cela à fondamentalement changé sa façon d’être au monde et de le percevoir.
Et, c'est de cette manière que l'artiste s'est tourné vers l'écriture ou, plus récemment, la peinture en rendant compte du monde tel qu'elle le perçoit tout en laissant un flou maîtrisé de manière à laisser un champ interprétatif libre à la personne qui lit ou regarde ses œuvres. Ainsi, les œuvres de Mathilde poussent à l'introspection, l'implication et la réflexion du spectateur.
L'artiste aime séparer les deux disciplines qu'elle exerce.
Bien qu'elle aimerait qu'un jour ses peintures soient directement inspirées de ses livres, elles lui permettent avant tout de s'évader de ses écrits, parfois plus torturés peut-être.
La séparation est presque médicinale pour elle, car l'un lui sert de soupape de décompression quand l'autre devient trop pesant.
Malgré tout, Mathilde aime peindre des forêts aux ambiances mystiques, extrêmement atmosphériques. On remarque que c'est un paysage qui se retrouve dans bon nombre de ses écrits, particulièrement lorsque ses personnages traversent des moments de flou ou de folie, comme si dans la forêt, on ne pouvait plus faire la distinction entre le réel et l'imaginaire, le visible et l'invisible. C'est un lieu où l'imagination peut prendre le dessus sur le réel.
Mathilde puise son inspiration dans les œuvres et artistes du mouvement du surréalisme pour ses écrits et du symbolisme pour ses écrits et peintures.
Elle affectionne les grands récits d'anticipation, tels que 1984 de Georges Orwell ou Le meilleur des Mondes de Aldous Huxley, ceux qui permettent de tout déconstruire pour tout reconstruire ensuite.
En peinture, elle est une grande admiratrice d'Odilon Redon pour son utilisation du Pastel et des couleurs chatoyantes. Cette technique que Mathilde affectionne tout particulièrement d'ailleurs n'était absolument pas son médium de prédilection. En effet, lors de ses débuts en peinture en 2018, Mathilde jugeait le pastel comme trop grossier et ne voyait pas comment l'utiliser pour la finesse de ses paysages.
Pour l'anecdote, elle nous confie que lors d'un voyage en montagne, n'ayant emporté avec elle que sa boite de pastels, elle fut surprise de ce que cela pouvait finalement offrir, en terme de travail des formes et des couleurs. Retrouvant même des gestes proches de ceux de la poterie, activité qu'elle affectionnait beaucoup lorsqu'elle était enfant, Mathilde en fait maintenant son médium favori, car il permet d'apporter une touche purement manuelle à la peinture. Le pastel est de plus écologique ce qui coche toutes les cases pour notre artiste qui cherchent à ne pas avoir d'impact sur l'environnement et les animaux.
En termes de processus de création, l'écriture et la peinture sont très différents.
Pour ses écrits (romans, récits ou chroniques), Mathilde commence par penser à une idée ou un concept. Elle décline ensuite ce sujet en une ou plusieurs questions qui vont lui permettre de construire son histoire.
Pour la peinture, l'artiste peint d'imagination au maximum ou s'inspire parfois d'images ou de photographies. La peinture est une discipline que Mathilde pratique avec spontanéité. Elle s'élance avec joie dans sa création, à la manière d'un enfant, ce qui est assez difficile à faire pour elle qui à tendance à tout intellectualiser et questionner.
Dans ses œuvres Mathilde tente de saisir la mouvance de la réalité. Comme disait Montaigne le Philosophe favori de Mathilde,
« Je ne peins pas l’être, je peins le passage ».
Et cette phrase a vraiment façonné sa vie et son art : elle capte l'ambiance et montre les choses en devenir. Elle aime faire ressentir le flou, le reflet, l'atmosphère, qui donnent un impression de mouvement à ses tableaux, comme s’ils apparaissaient et disparaissaient en même temps, permettant de mieux rendre compte de la réalité immédiate. Dans ses œuvres, l'artiste veille à ne pas faire de ligne définie ou à trop entrer dans le détail pour laisser suffisamment d'espace à l'imagination du regardant, pour le laisser créer son propre monde.
Dans sa peinture, Mathilde tente d'inclure un maximum de technique, qu'elle juge indispensable lorsque l'on parle de l'Art. Pour elle, une œuvre doit inclure une notion d'artisanat, un savoir-faire, une technique, un rapport de force avec la matière, ce qui manque peut-être à l'Art contemporain qui apparait parfois trop conceptuel. Réfléchir c'est bien, mais l'inclusion d'une technique devrait être un socle commun aux œuvres d'arts.
Pour notre peintre-écrivain, l'artiste aujourd'hui a pour devoir de faire comprendre que le réel est une construction. Cela permet donc d'ouvrir les regardants au fait que rien n'est définitif, rien « n'est ainsi et puis c'est tout ». Le premier constructeur de notre monde est l'œil, et nous devrions tous avoir conscience de cela.
À l'avenir notre artiste a déjà de nombreux projets sur le feu. En peinture tout d'abord, elle prépare un concert exposition avec le Trio Erable dont le but sera d'exposer ses Pastels de la collection Forêts Fantastique tout l'été 2023 et une partie des recettes des ventes de ses œuvres seront reversées à une association qui lutte pour préserver les forêts de notre région.
En écriture, Mathilde élabore un recueil de poèmes intitulé "Les Champs de l'Agonie" à visée écologique sur notre rapport au monde, aux animaux, au progrès destructeur, etc. Elle publie également son premier roman Évanouie à paraître en novembre 2023
Des oeuvres à venir que nous avons hâte de découvrir.
Pour aller plus loin :
@mathilde.de.telossie
© Manon Gauthier - TheArtLight